• Beaucoup de bruit pour rien

     

    Après les attentats de novembre 2015, le président socialiste français François Hollande était allé faire un discours devant le parlement réuni en Congrès à Versailles1.

    Une des mesures qu'il annonça fut la mise en place d'une déchéance possible de la nationalité des binationaux nés en France, condamnés pour terrorisme.

    S'ensuivit un débat surréaliste de plusieurs mois sur le projet de révision constitutionnelle permettant cette déchéance de nationalité. Un débat qui se déroula particulièrement à l'intérieur de la gauche. L'âpreté du débat était d'autant plus surprenante que les défenseurs de la mesure admettaient généralement qu'elle ne serait pas d'une grande utilité dans la lutte contre le terrorisme. De nouvelles fractures apparurent encore à gauche; la déchéance pour les seuls binationaux étant stigmatisante et discriminatoire, certains voulurent l'étendre à ceux qui ne possèdent qu'une nationalité; d'autres y étaient opposés, parce qu'opposés à la création d'apatrides.

    Pour finir, le projet de modification fut modifié. L'assemblée nationale vota la version modifiée. Le sénat vota une version conforme au discours présidentiel. Une modification de la constitution par le Congrès nécessite une adoption préalable du texte par les deux chambres d'un texte identique....

    Le 30 mars 2016, le président Hollande annonça alors l'abandon de la réforme constitutionnelle.

    Trois commentaires s'imposent.

    Le premier, évident, c'est l'impression d'une immense mascarade; tout çà pour çà!

    Ensuite, on peut ressentir une certaine gêne pour un aspect du processus. A côté de la déchéance de la nationalité étaient ajoutées l'insertion de la notion d'état d'urgence dans la constitution, ainsi qu'une réforme de l'organisation judiciaire. Trois projets de changement de la constitution, discutés séparément, auraient été plus clairs. Et plus justes. Car on peut être favorable à une mesure et opposé à une autre. La présentation d'un fourre-tout aux deux assemblées découle soit d'une brouillonnerie, soit d'une volonté de biaiser.

    Il faut enfin souligner que la constitution peut être modifiée de deux façons. La solution retenue, qui était l'adoption à une majorité des trois cinquièmes par les deux chambres réunies en congrès, après le vote par chacune des deux assemblées du texte en termes identiques. L'autre solution, non-retenue, était le référendum; solution d'ailleurs plus "normale", ou plus démocratique. Mais le président n'a pas voulu utiliser la voie du référendum.

    Ceci dit, même si la voie référendaire eut été préférable, il est quand même positif que le référendum n'ait pas été utilisé dans cette affaire. En effet, c'eut été une nouvelle mascarade. Car il est très probable que les électeurs n'auraient eu d'autre choix que de tout accepter ou tout rejeter en bloc. Alors que la clarté et l’honnêteté auraient exigé un référendum avec trois questions posées, avec la possibilité de répondre de manière différente à chacune des questions.

     

    1- Voir chronique du 30 novembre 2015: "les raisons de la colère" (lien)

     


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