• René Barjavel: la nuit des temps

    Relecture la semaine dernière de "la nuit des temps", publié par René Barjavel en 1968.

    L'histoire commence par la découverte en Antarctique de deux êtres humains congelés, et se poursuit dans le passé dans une guerre apocalyptique entre deux civilisations disparues, plus avancées technologiquement que la nôtre. Le roman est le prétexte à une description, caricaturale mais par moment assez intéressante et amusante, des rivalités entre savants et entre nations.

    Un livre passionnant, qui se lit très facilement.

    Une première réserve toutefois: le récit est entrecoupé de ce qu'on comprend être des extraits du journal intime amoureux du savant français; on peut trouver çà très beau; ou assez niais et gonflant. A la limite, une fois qu'on a compris le truc, il suffit de survoler rapidement ces passages, si on les trouve insupportables.

    Une seconde réserve: le roman dégouline de droitdelhommisme, de pacifisme et d'internationalisme, avec une petite dose d'antimilitarisme, et se termine dans une admiration béate des révoltes étudiantes.

    Prenons un court exemple de barjavélisme pré-soixante-huitard. Les scientifiques doivent, pour la première fois, réanimer un homme et une femme congelés. Par lequel des deux commencer? "Avec le premier qu'ils traiteraient, ils allaient forcément prendre des risques. En quelque sorte se faire la main. Le second, au contraire, bénéficierait de leur expérience."  Les scientifiques débattent de la question et ne sont pas d'accord sur qui était le moins précieux entre l'homme et la femme. Certains donnent la priorité à la beauté, donc à la femme; d'autres à l'homme, car "les cerveaux masculins sont supérieurs en volume et en poids aux cerveaux féminins". Je ne n'épiloguerai pas sur ces considérations qui sont dans la bouche des scientifiques, et dont il n'y a a priori pas à considérer que l'écrivain les reprend à son compte. En revanche, lorsqu'un scientifique dit: "Il n'y a pas de raison pour que nous traitions l'un avant l'autre. Leurs droits sont égaux. Je propose que nous formions deux équipes et que nous opérions en même temps sur les deux"; l'auteur écrit: "C'était généreux, mais impossible"; il n'y avait pas les installations pour cela au Pôle Sud. On pourra dire que cette phrase de l'auteur est un peu ironique, et elle l'est sans doute un peu; mais elle me semble très bienveillante quand même pour cette position (qui s'oppose par exemple à celle de l'Arabe pour qui l'homme est le seul qui compte, et à l'Américain qui privilégie la femme). Or, si l'on prend la peine de réfléchir quelques instants, on comprend qu'on est en face de l'égalitarisme dans ce qu'il a de plus stupide. En effet, que se passerait-il si l'un était opéré avant l'autre? Le second aurait plus de chances. Que se passe-t-il en opérant les deux en même temps? On prive une personne de chances supplémentaires, sans en donner plus à l'autre. De la pure bêtise égalitariste, qui n'est ni sympathique, ni généreuse, juste stupide et criminelle.

    Pour ne pas quitter Barjavel sur une note trop négative, citons, à l'égard des politiques, des militaires et des diplomates, cette phrase qui peut être méditée quand on réfléchit sur la dissuasion. Alors que la nation du Gondawa avait créé une arme capable d'anéantir totalement son adversaire, celui-ci a quand même attaqué: "notre seule défense contre eux était de leur faire peur. Mais nous leur avons fait TROP PEUR".

     

    Cible: adultes


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